Après avoir présenté les épisodes 4 et 5 lors du 72ème Festival de Cannes, hors compétition, Nicolas Winding Refn livre enfin sa série, qu’il préfère décrire comme "un long film" (sic), au reste du monde. Née d’une envie de raconter une histoire sur le temps long, en s’affranchissant des contraintes liées au cinéma, Too Old To Die Youngs’étend sur dix épisodes de plus d’une heure chacun. Le réalisateur danois y revendique ses obsessions au travers d’une œuvre à la beauté saisissante, prétentieuse aussi, à un rythme à contre-courant et où les explosions de violence ont valeur de geste artistique.
Une histoire de violence
Dans un Los Angelesécrasé par un soleil cruel le jour et des néons oppressants la nuit, Martin Jones mène une existence routinière de flic taiseux mais aussi corrompu, à première vue plus par facilité qu’autre chose. Grain de sable dans une petite vie bien huilée, son coéquipier est abattu sous ses yeux. C’est la vengeance d’une bavure commise par le policier et son acolyte quand ils ont laissé tomber l’uniforme de flic pour celui de voyou. La nuit, Martin est donc un tueur à gages pour un mafieux local. Côté vie privée, il fréquente une gamine de 17 ans, la fille d’un magnat du divertissement sur-cocaïné (William Baldwin). Dans la peau de Martin, Miles Teller, tout en flegme, promène son ambiguïté en imposant la plus belle poker face de l’histoire des séries. Avec sa gueule de star de ciné des années 50, on dirait Gregory Peck à ses débuts. Il impressionne avec son calme olympien, tout en présence entre quelques rares répliques laconiques. Et malgré un magnétisme indéniable, il distille une certaine masculinité toxique qui contamine la série toute entière. De l’autre côté de la frontière, c’est pire. Les membres d’un cartel mexicain, de véritables fous furieux à la stratégie sanguinaire, promettent une guerre frontale avec Martin et le reste du monde.
Série hybride
Puisque Refn parle de la série comme d’un long film, il est évident qu’il expérimente avec son histoire qui s’étale sur treize heures. Et on sent bien que par cette déclaration – à la fois provocatrice et méprisante à l’égard du monde des séries – Refn cherche une autre voie, un autre médium où cinéma et séries se rejoindraient. En effet, les trois premiers épisodes qu’on a pu voir ne respectent pas tout à fait les codes classiques de la narration sérielle. Au fur et à mesure que les minutes s’égrènent, on ne peut s’empêcher de penser à la merveilleuse saison 3 de Twin Peaks, intitulée The Return, où David Lynch a su créer un objet hybride qui déboitait littéralement les us et coutumes de la narration classique mais posait aussi des repères qui d’une certaine manière adoubaient le genre. Refn n’adoube rien et reste dans une confrontation ubuesque entre cinéma et série et refuse littéralement de faire le pont entre les deux. Il étire sur son récit jusqu’aux limites de l’acceptable. Chaque scène s’étale en langueur. Chaque mouvement de caméra balaie le décor avec une morgue assumée qui nous laisse malgré tout le temps de nous extasier sur la beauté de l’image. D’ailleurs à ce propos, Nicolas Winding Refn aime de temps à autres réaliser des publicités. Dans Too Old To Die Young, cela se voit. Un peu trop même. L’image est impeccable. Cadrages cinématographiques où les décors composent de véritables tableaux d’art contemporain. Lumière léchée. Contrastes sophistiqués. C’est incontestablement beau. Comme dans une pub de luxe. Mais au bout de trois épisodes, cela n’en reste pas moins vain et superficiel.
"Too Old To Die Young", une série créée par Nicolas Winding Refn et Ed Brubaker avec Milles Teller, Jena Malone, John Hawkes… Disponible depuis le 14 juin sur Amazon Prime Video.