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"Chanson Douce" : pourquoi faut-il absolument lire Leila Slimani ?

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Avec son nouveau roman coup de poing, l’écrivaine française est en lice pour le Goncourt et le Renaudot. On vous donne trois excellentes raisons de lire Leila Slimani et sa "Chanson douce".

Parce qu’elle réinvente le fait divers

Avec ce second roman déjà applaudi par la critique, Leila Slimani marche dans les pas des écrivains tels Emmanuel Carrère et Régis Jauffret, eux-mêmes marqués par Truman Capote, dont le chef-d’œuvre De sang-froid disséquait un fait divers américain. En effet, elle s’est lancée dans l’écriture de Chanson douce après avoir eu connaissance d’une tragédie aux Etats-Unis. En rentrant chez elle un beau jour de 2012, une mère de famille avait retrouvé ses deux jeunes enfants morts, poignardés par leur nounou de 50 ans. Un crime atroce qui se révèle être un déclic littéraire pour Leila Slimani. "J’ai toujours été fascinée par la relation très étrange, très ambiguë qui se noue avec les nourrices, nous explique-t-elle. Quand j’étais petite, nous avions des nounous à la maison et j’étais déjà sensible à la position assez cruelle de ces femmes qui nous élevaient comme des secondes mères mais qui restaient, invariablement, des étrangères. Et puis, j’ai moi-même engagé une nounou pour s’occuper de mon fils, et j’ai découvert ce monde de la "garde d’enfant" et son organisation économique et sociologique. Je me suis rendue compte que derrière l’histoire banale d’une famille et d’une nounou, il y avait énormément de choses à dire sur notre société, sur les femmes, sur l’éducation. Mais je ne savais pas comment traiter cette histoire et c’est la découverte de ce fait divers, à Manhattan qui m’a fourni une trame narrative."Une trame narrative qui transpose l’histoire à Paris, s’éloignant géographiquement du drame originel tout en y restant viscéralement liée.

Parce qu’elle apporte un souffle nouveau à la littérature française

"Le bébé est mort. Il a suffit de quelques secondes. Le médecin a assuré qu’il n’avait pas souffert". Dès les premières lignes de Chanson douce, on est happé par une écriture concise et fluide à la fois, qui ne s’autorise pas d’approximation mais qui laisse place à l’imaginaire du lecteur. A ses émotions, à ses angoisses… Tout en l’emportant dans un univers fictionnel singulier. Et n’est-ce pas ce que l’on attend de la littérature ? En France, on verse souvent dans les intrigues rocambolesques ou dans l’autofiction. Leila Slimani ne choisit aucun de ces terrains. En revanche, elle observe beaucoup – contrairement à d’autres auteurs à qui on reproche de vivre repliés sur eux-mêmes. Son expérience de journaliste contribue à cette vision de l’Autre et de la société qui nous entoure : "J’ai toujours adoré le reportage parce qu’il vous incite à faire très attention aux détails, à regarder derrière la surface des choses et à entendre ce qui se cache derrière les discours aussi. J’essaie de garder ce regard sur le monde et cela nourrit sans doute un peu mon travail de romancière." Ainsi, quand on lit Chanson douce, on ne se sent pas en territoire étranger. C’est précisément pour cette raison que cette tragédie nous touche d’autant plus. Cela pourrait nous arriver à tous, à nous, nos voisins ou nos amis. Mais n’allons pas voir dans Chanson douce une contestation du rythme infernal que nous imposent nos quotidiens contemporains. "A mes yeux, un roman n’a pas à délivrer de message, à livrer des critiques ou à remettre en question des organisations sociétales, commente Leila Slimani. Le but, c’est juste de raconter, de montrer, pour permettre au lecteur de se faire sa propre opinion. Effectivement, cette histoire est celle des couples modernes, débordés, soucieux de tout réussir : vie sociale, professionnelle, familiale. Est-ce que c’est bien ou pas ? Je ne sais pas. Mais je sais que c’est très dur et sans doute épuisant."

Parce qu'elle sait parler des femmes sans être bêtement girly

Ce n’est pas la première fois que Leila Slimaniévoque la féminité. Déjà, Dans le jardin de l’ogre (Gallimard, 2012), elle mettait en scène une Madame Bovary nommée Adèle, qui trompait son ennui et son insatisfaction avec de nombreuses aventures. La dépendance n’est pas sexuelle dans Chanson douce. Elle est morale, logistique, financière. C’est celle que l'on connaît par cœur, lorsque l’on fait garder sa progéniture pour aller travailler. Ici, se côtoient et s’apprivoisent deux personnages féminins : Myriam et Louise. Myriam est la mère des enfants, qui vient d’être recrutée à un poste dans lequel elle s’investit à 100% afin de remettre sa carrière sur les rails. Louise est la nounou, d’une efficacité et d’une douceur imparables. On peut se retrouver tantôt chez l’une (quand Myriam cherche à sortir de son statut de mère au foyer), tantôt chez l’autre (lorsque Louise n’arrive plus à supporter sa précarité). On demande alors à Leila Slimani comment elle a pu effacer ses ressentis maternels afin d’écrire ce roman. Elle s’exclame : "Il ne faut surtout pas les mettre de côté ! Au contraire, je les ai exploités, j’ai plongé au plus profond de mes cauchemars, j’ai essayé d’imaginer mes peurs les plus noires. On n’écrit pas pour se protéger mais pour regarder les choses en face." Dans Chanson douce, pas besoin d’avoir enfanter pour saisir le désarroi ou l’angoisse des héroïnes C’est ce en quoi Leila Slimani sait parler du féminin comme peu d’autres aujourd’hui : de manière universelle, sans pathos et avec une plume qui va droit aux tripes.

Leila Slimani, "Chanson douce", Gallimard.


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