Cet été, 750 enseignants de France et du monde entier, sont venus écouter, à leurs frais, Céline Alvarez leur parler de pédagogie. Elle ne fait pourtant plus partie de l’Education Nationale, mais pourrait bien inspirer une révolution à l’école. Reprenant l’héritage laissé par la célèbre pédagogue Maria Montessori en l’enrichissant des découvertes en neurobiologie réalisées depuis, elle met au point une approche basée sur le respect des mécanismes d’apprentissage de l’enfant et sur quelques idées clés : l’autonomie, le sens, les sens, l’intelligence, le lien avec la nature. Une méthode qu’elle a pu expérimenter pendant 3 ans dans une classe maternelle de Gennevilliers avec des résultats stupéfiants : des enfants de 4 ou 5 ans capables de lire, de compter, de se concentrer, eux qui avaient commencé avec de gros retards. Freinée par l’atonie administrative, l’expérience n’est pas renouvelée. Céline Alvarez a démissionné de l’Education Nationale, mais se dit “absolument optimiste" sur l’évolution prochaine de nos écoles : "un vent nouveau souffle. Qu'on le veuille ou non, un autre système est en train d'émerger."
Que reprochez-vous à l’enseignement à l’école maternelle tel qu’il est pratiqué ? Les enfants perdent-ils leur temps à la maternelle ?
Je dirais d'abord qu'ils se perdent eux-mêmes. Ils doivent entrer dans un moule, apprendre des éléments qui ne font pas sens pour eux, et comble de la chose, ils doivent le faire d'une manière qui n'est pas respectueuse de leurs mécanismes d'apprentissage. Ils s'épuisent, se braquent, se démotivent, beaucoup perdent également confiance en eux. Et c'est normal. Leurs prédispositions naturelles à l'activité, au mouvement, au sens, à la vie, au grandiose, ne sont pas respectées.
Vous avez quitté l’Education Nationale après l’arrêt de votre expérience pilote: votre livre est il un moyen d’inspirer les professeurs à faire évoluer l’enseignement sans attendre les "réformes" ?
Il existe des grandes lois qui régissent l'apprentissage et l'épanouissement du jeune être humain. Elles sont extrêmement simples. Nous les connaissons déjà intuitivement. Dans la classe de Gennevilliers, nous avons fait notre possible pour respecter ces "lois", et les résultats ont été stupéfiants. Mon souhait, avec ce livre, est de partager ces données passionnantes : je crois en effet qu'elles ont le potentiel d'impulser un renouveau aussi bien dans les écoles que dans les foyers.
Etes vous optimiste quant à la potentielle évolution institutionnelles des méthodes ?
Absolument optimiste. Cet été, pendant trois jours, 750 enseignants issus de l'école publique sont venus assister - à leur frais - à une conférence que nous avons organisée. Ils venaient de toute la France et d'ailleurs : Guinée Bissau, Canada, Australie, Algérie, Tunisie, Maroc, Belgique, Suisse, Espagne, Portugal, Vietnam, Cambodge, Emirats Arabes Unis, Réunion, Croatie... Un vent nouveau souffle sur l'école. Qu'on le veuille ou non, un autre système est en train d'émerger.
Comment définissez vous votre rôle ?
Je ne me suis jamais posé la question... Je m'en tiens à faire au jour le jour ce qui me semble nécessaire pour favoriser un renouveau éducatif respectueux des lois de l'enfant. Pour l'instant, je partage les connaissances qui m'ont permis d'avoir un impact si positif auprès des enfants de Gennevilliers.
Quels sont vos prochains objectifs ? Aimeriez vous pouvoir créer une école ?
C'est un de nos projets en effet. Lorsque tous les contenus de notre expérience seront en ligne, nous souhaitons, avec mon équipe, aller plus loin dans la recherche pédagogique, mais cette fois-ci, sans nous limiter avec des contraintes instiutionnelles ou architecturales.
Plus personnellement: d’où avez vous tiré la force de vos intuitions, de vos convictions?
Je ne saurai vous dire. Toute petite déjà, j'étais indignée et très affectée par la brutalité de notre société et la passivité des adultes. ll était évident pour moi que nous avions tous un pouvoir immense sur le monde et sur nos vies, et je ne comprenais pas que l'on "ne fasse pas quelque chose" là, tout de suite, dans notre quotidien.
Enfin puisque c’est un dossier sur les femmes "inspirantes" : qui vous inspire, vous, qui sont vos modèles, et pourquoi ?
Je n'ai pas réellement de modèle mais je suis sans cesse inspirée par "les gens" du monde réel. Ceux que je croise dans la rue, les personnes avec qui j'échange, mes amis... ils ne le savent pas mais ils sont beaux, intelligents, magiques. Le monde nous a tous un peu abîmés, et nous avons oublié notre lumière individuelle, mais je ne peux m'empêcher de l'observer chez l'autre. Elle me rassure, m'émeut, m'inspire.