Partir à la rencontre de personnalités et anonymes du monde arabe agissant pour l’émancipation féminine ? C’était l’objectif de Sarah Zouak lorsqu’elle a entamé, en février 2014, le Women SenseTour. "En France, il y a toujours une distinction faite entre foi et engagement. Quand j’ai voulu faire mon mémoire sur les féministes musulmanes, ma directrice m’a dit que je devais faire un choix entre l’un ou l’autre", explique la jeune femme.
Une initiative qui a pris la forme d’une série documentaire, filmée au cours de ce périple, et qui a été le point de départ de son nouveau militantisme. En avril 2016, elle lance l’association Lallab, dont la mission est de lutter contre les préjugés visant les musulmanes, puis, le 8 septembre prochain, un magazine en ligne pour donner la parole à celles qu’on n’entend pas. "On ne cesse de parler des musulmanes dans les médias, mais on leur donne rarement l'occasion de s'exprimer. C’est comme si tous ces hommes politiques savaient mieux que nous. C’est une attitude complètement paternaliste", poursuit-elle.
En croisade contre l'islamophobie
Un combat plus que nécessaire dans un climat qu’elle juge "nauséabond" : "quand je fais des ateliers de sensibilisation dans les lycées, je demande aux élèves d’inscrire sur un bout de papier à quoi ils pensent quand on leur dit 'musulmane’. Les réponses de ces ados de 15 ans sont souvent assez choquantes : elles sont ‘soumises’, ‘oppressées’, ‘elles nous provoquent’, ‘elles devraient rentrer chez elles’. " Des préjugés qui se matérialisent aussi par des agressions islamophobes dont les femmes sont les premières victimes, selon plusieurs études. "Elles sont seules et plus faciles à attaquer. J’ai des amies qui se sont déjà fait arracher leur voile ou cracher dessus dans le métro", explique-t-elle. Un climat de haine qui est accentué par les déclarations de personnalités politiques. "Chaque jour, on a droit à une nouvelle histoire pour nous diviser. Laurence Rossignol, la ministre des droits des femmes, qui compare les musulmanes aux nègres. Ou encore les propos de Manuel Valls qui s’intéresse au féminisme seulement lorsqu’il est question de voile", poursuit la jeune femme.
Car les arrêtés anti-burkini, pris par plusieurs municipalités (et dont la moitié ont été annulés par la justice), ont relancé le débat autour du voile sous toutes ses formes. En filigrane, la question de la compatibilité de ce signe religieux avec le principe de laïcité à la française. Si ce débat agite la sphère publique, pour Sarah Zouak, il s’agit d’une nouvelle manifestation de la misogynie ambiante : "cela n’a aucune logique pour moi d’empêcher des femmes de porter ce qu’elles veulent sous prétexte de défendre leur liberté. Les forcer à l’enlever est aussi grave que de les obliger à le mettre, comme c’est le cas dans certains pays."
Si de nombreuses féministes ont dénoncé ces arrêtés comme un nouveau moyen de controler le corps de la femme (à l'instar de Caroline De Haas), les divergences sur le voile sont toujours présentes sur le fond. Celles du courant "universalistes" rejettent cet outil d'oppression et de domination masculine, tandis que celles du mouvement intersectionnel (conjugant lutte antisexiste et antiracisme) le considérent comme une affirmation de l'identité. Un débat qui n'a pas fini de diviser...