C'est un revival qui tombe à point nommé. Alors qu'une partie des Etats-Unis a sombré dans la dépression depuis l'élection de Donald Trump, Netflix n'aurait pu choisir meilleur date pour le retour de Gilmore Girls, quintessence du programme feel good. Car, si la fiction de Warner Bros n'a pas laissé une grande empreinte en France, on se prépare déjà, de l'autre côté de l'Atlantique, à déguster les restes de Thanksgiving en regardant les nouveaux épisodes. Cette capacité à fédérer encore les fans, neuf ans après la diffusion de l’épisode final, revient au talent d'Amy Sherman-Palladino, chef d'orchestre de ce show explorant une relation mère-fille fusionnelle. C'est à elle qu'on doit les répliques débitées à la vitesse de l'éclair, cette ode perpétuelle à la pop culture, cette analyse subtile des rapports de classe et tous ces personnages loufoques peuplant la petite communauté de Stars Hollow. Pour cette scénariste, virée sans vergogne à la fin de la saison 6, cette suite en quatre parties (baptisées hiver, printemps, été et automne) est l'occasion unique de corriger un récit qui lui a échappé… Et d'effacer dans la mémoire des fans une saison 7 tristement célèbre.
Retour en grandes pompes à Stars Hollow
Sans surprise, Gilmore Girls : a Year in the Life joue d'emblée la carte de la nostalgie. Le premier chapitre d'1h30 débute avec un “previously on” sous forme de montage audio, une scène enneigée sous le fameux kiosque de Stars Hollow, un ping-pong verbal entre Rory et Lorelai et ce “lalala” entêtant composant la bande son. Au grès d'un classique “walk and talk”, d'une virée au supermarché ou chez Luke's Diner, on retrouve des lieux familiers et des visages bien connus. Pas grand-chose n'a changé : Miss Patty donne des cours de danse, Kurt est au sommet de son exubérance, tandis que Taylor Dose joue les petits chefs au Conseil municipal. Idem pour l'alchimie entre les trois têtes d'affiche, Lauren Graham, est au sommet de son art (et de son sarcasme) face à une Kelly Bishop (Emily Gilmore) toujours aussi impeccable. Même Alexis Bledel, dont le jeu était parfois en demi-teinte, semble plus sûre d'elle que jamais.
La magie réopère
Au plaisir de retrouver cet objet doudou se substitue parfois une impression de déjà vu. Dans les deux premiers épisodes (seuls auxquels nous avons eu accès), la petite ville du Connecticut semble figée dans le temps, malgré les tentatives maladroites d'y incorporer des références aux nouvelles technologies. Le personnage de Lorelai n'a guère évolué en dix ans, et continue d'être en proie aux mêmes questionnements familiaux et professionnels. Quant à Rory, elle est sujette à une nouvelle crise existentielle – stade qu'elle a déjà traversé dans la saison 6 – mais celle-ci a au moins l'avantage d'être pertinente au vu des mutations de son métier. Redoutant sans doute de froisser les spectateurs, Amy Sherman-Palladino et son époux Daniel Palladino sont restés dans leur zone de confort, prenant soin d'assurer le fan service en calant un maximum de guest-stars en un temps record. Entre clins d'œil et justification des quelques absences, ces détours et retours en arrière alourdissent le récit. Dommage, d'autant que les storylines les plus intéressantes concernent des personnages confrontés au changement : Emily bousculée par la mort de Richard, ou Paris qui se retrouve à un croisement de sa vie. Malgré ces imperfections, Gilmore Girls parvient à recréer l'alchimie et l'intensité émotionnelle de ses débuts, légitimant complètement l'existence de cette suite. Pour chaque blague qui tombe à plat, on a droit à un bon mot de Lorelai, un moment de communion familial ou une festivité improbable à Star Hollow. Le charme des vieilles retrouvailles…
Gilmore Girls : a Year in the Life, disponible sur Netflix à partir du 25 novembre.