
Si vous n’aimez pas la musique d’Elton John, passez votre chemin. Les plus grands tubes de la popstar anglaise s’insèrent dans l’histoire à point nommé, donnant à ce film des allures de comédie musicale sans en présenter tous les codes. Mais si les premières notes de Your Song vous donnent des frissons, comme à la mère et à la grand-mère d’Elton dans film, lorsque le jeune homme pianote dans le salon familial, alors Rocketman est fait pour vous. C’est l’une des scènes les plus émouvantes de ce film qui en comportent plusieurs, sans que l’on ait non plus l’impression qu’on nous extrait les émotions aux forceps. Car ce Rocketman ressemble à un meuble baroque dont jaillirait, de façon imprévisible, et chaque fois que l’on ouvre un tiroir, un polichinelle différent, tantôt exubérant, agaçant ou touchant…
Sachant qu’Elton est l’origine du film, on pouvait craindre qu’il soit entièrement dédié à la gloire du chanteur, sans grande aspérité. Il n’en est rien. Le film semble même avoir été sponsorisé par les NA (Narcotiques Anonymes) dont la pospstar a fait un temps partie, tant il détaille, avec une furieuse lucidité, les facteurs qui ont mené le chanteur à l'addiction, au sexe, à la drogue ou à l’alcool. Au fond, comprend-on, ce sont ses chansons, et le succès qu’elles ont rencontré, qui ont maintenu Elton à flot, ainsi que son amitié avec son parolier Bernie Taupin (interprété avec sensibilité par Jamie Bell, le petit garçon de Billy Elliott).
Alors bon, on se doute que ce film n’est pas un sommet d’exactitude. Elton John lui-même reconnaît qu’il est en partie fantasmé. Pas sûr que ce Your Song ait été créé en quelques minutes comme le film le suggère. Que le producteur John Reid (toujours vivant), qui fut le manager d’Elton puis de Freddie Mercury, ait été une telle ordure, froide et manipulatrice. Que le père d’Elton ait été ce monument de rigidité anglaise (Ah, cette scène où Elton, au début de sa gloire, voit son père se conduire affectueusement avec ses nouveaux enfants !). Mais on a tout de même l’impression, à l’issue du film, d’avoir saisi toutes les nuances d’un personnage trop souvent réduit au rôle de faire valoir de la royauté anglaise, ou de gentil gay vieillissant ayant coché toutes les cases de la respectabilité (enfants, mariage, causes humanitaires…). On avait oublié qu’Elton John, incarné ici avec ferveur par Taron Egerton, est un mélodiste hyper doué, un génial trublion qui a secoué dans les années 1970 une Angleterre et une Amérique conservatrices. Ce Rocketmanétincelant, qui n’élude pas non plus la mélancolie et l’amertume, est une belle piqûre de rappel.
Sortie le 29 mai