
Après Atypical, la première série qui mettait en scène un adolescent autiste, Netflix va encore plus loin avec Special. Le show raconte l’histoire de Ryan Kayes, un jeune gay atteint d'une légère paralysie cérébrale. Pour plus de réalisme, le personnage principal est directement inspiré du scénariste et acteur principal de la série, Ryan O’Connell.
En 2015, après avoir menti à ses amis et collègues leur disant que sa maladie datait d’un accident de voiture qu’il a eu à 20 ans et non de sa naissance, il décide de rétablir toute la vérité. Il raconte son histoire dans I’m Special : And Other Lies We Tell Ourselves. Jim Parsons, alias Sheldon Cooper dans The Big Bang Theory et producteur de la série, repère le recueil et décide de l'adapter en série.
Pour des représentations plus justes et réalistes
Malgré un certain manque de finesse dans l’écriture parfois, la série se regarde très facilement : la saison comporte seulement 8 épisodes de 15 minutes chacun. Un rythme qui permet de s’attacher aux personnages de cette pépite audiovisuelle. Pour Marina Carlos, militante pour une plus juste représentation des personnes handicapées, Special s’inscrit dans la lignée des séries comme The West Wing, Breaking Bad ou encore Stranger Things qui donnent une place honnête à des personnages handicapés : "Je pense que ces séries sont les bienvenues pour apporter une vision plus juste des personnes handicapées, surtout lorsqu'elle sont jouées, écrites et réalisées par des personnes handicapées, une pratique encore rare aujourd'hui".
Si Special se veut inédite, c’est parce qu’il n’est pas courant de voir un acteur handicapé, jouer son propre rôle, et qui plus est, de l’avoir écrit. Très actif sur les réseaux sociaux, Ryan O’Connell se présente comme une personne "lambda" et ne souhaite pas que seul son handicap le définisse : "J’ai eu tellement de trauma dans ma vie, mais on ne peut pas vivre avec ça pour toujours. Je préfère gérer ce trauma dans mon écriture, c’est un endroit sûr pour travailler sur moi", expliquait-il dans une interview parue dans le magazine Vulture, il y a quelques semaines.
###quote###Plus de sexe (gay), moins de misérabilisme
Cette légèreté de ton, surprenante au premier abord, est ce qui définit le plus Ryan O’Connell, avec une absence de misérabilisme qui donne ses lettres de noblesse à la série. En parlant de la question du handicap, le piège est de "rester dans deux cases", avance Marina Carlos : "D'un côté, le misérabilisme où la personne handicapée est malheureuse et aigrie et, de l'autre, l'inspiration porn, où chaque action qu'effectue la personne handicapée (travailler, sortir...) est célébrée et où celle-ci est objectifiée et présente seulement en tant que leçon de vie."
Dans Special, le handicap de Ryan ne le définit pas, au contraire. Son travail, ses amours, ses relations avec sa mère ou ses amis sont des sujets universels où tout le monde peut s’y retrouver. Néanmoins, toutes les fois où il aborde son handicap, c’est avec une vraie justesse, sans pervertir la réalité. Celle-ci est aussi montrée dans la manière dont Ryan aborde ses relations amoureuses et sa sexualité. Il est gay et ne s’en cache pas, et il va même perdre sa virginité d’une manière peu conventionnelle, montrant une relation sexuelle entre deux hommes, comme on en voit peu à la télé. Sur ce point, Ryan O’Connell était formel. "J’avais une image très claire de ce que je voulais pour les scènes de sexe. Je suis tellement frustré par le manque de représentation de sexe gay à la télé. Je voulais que ce soit montré de manière juste et humaine."
Handicapé et gay, une première sur le petit écran qui vient compléter la liste d’autres hommes handicapés qu’on voit de plus en plus à la télé. Une représentation nouvelle, qui manque encore de diversité conclut Marina Carlos : "J'espère que d'autres personnages handicapés, et pas que des hommes blancs, seront présents sur nos écrans prochainement. La comédienne américano-palestinienne Maysoon Zayid, qui a une paralysie cérébrale, est en pourparlers concernant une série où elle jouera le rôle d'une avocate de Wall Street et j'espère que son projet verra le jour. Pour que ces récits soient plus justes, il faut apporter de la nuance et de la diversité, que ce soit concernant les types de personnages mais aussi les types de handicaps, devant et derrière la caméra."