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Mercredi 15 mai 2019, France 2 a diffusé Moi, grosse, un téléfilm qui raconte le parcours d’une femme obèse à la recherche d’un emploi, disponible actuellement en replay. Adapté du livre On ne naît pas grosse (ed. Goutte d'or), de Gabrielle Deydier, il vise à sensibiliser le grand public au sujet de la grossophobie. Un effort louable, salué par la presse et une partie du public, mais qui suscite aussi des critiques. En cause : le fait que l’actrice principale, Juliette Katz, est grosse mais pas obèse comme Gabrielle Deydier, et porte du coup à l’écran un fat suit. Vous n’avez jamais entendu ce terme ? Pourtant, vous en avez certainement déjà vu un, notamment dans la série Friends, où le personnage de Monica Geller apparaît gros dans différents flash-backs. Voilà l’objectif de ce "costume de gros.se" : simuler l’importante prise de poids d’un.e acteur.trice mince.
Monica Geller's fatsuit needs to be retired already. pic.twitter.com/E3dUblvSxo
— Selena Adera???? (@Selena_Adera) 28 décembre 2018
Depuis quelques années, Friends est critiquée pour certaines "blagues", notamment celles mettant en scène l'actrice Courtney Cox en fat suit. Marta Kauffman, co-créatrice de la série, a même présenté des excuses début mai pour le caractère parfois discriminant de la série. Mais cette prise de conscience n’empêche pas la pop culture d’avoir encore recours au fat suit. A l’image de la série NetflixInstatiable, sorti en 2018, où l’actrice Debby Ryan incarne une ado grosse devenue jeune femme mince et du coup, attirante. Ou encore, du film Marvel Avengers : Endgame, à l’écran depuis fin avril, où le personnage de Thor (Chris Hemsworth) apparaît déprimé, alcoolique… et obèse.
Pour annuler la sortie du film @insatiable_ sur @NetflixFR, qui nous apprend qu'être grosse c'est atroce, que maigrir est la clef pour être appréciées. En bref, un condensé de #bodyshaming (bonus: l'actrice principale porte une fatsuit) https://t.co/ixHed0Xwy3 via @ChangeFrance
— lilith (@lilithkillingit) 21 juillet 2018
Re: fatsuit Thor
— Alex(they/them)! (@sadlexandra) 3 mai 2019
"I don’t expect radical, liberatory narratives about my body. I’m not asking for the moon. I just want to go to a movie and know that I won’t be openly mocked. You wouldn’t think it’d be this hard."https://t.co/d9IqkhHmrK
'"Je n'attends pas de narrations libératrices et radicales au sujet de mon corps. Je ne demande pas la lune. Je veux juste pouvoir aller au ciné en sachant que je ne serai pas moqué.e ouvertement. Je ne pensais pas que ça serait si dur".
Une violence pour les personnes grosses, selon le journaliste Dan Hastings, collaborateur de Slate et Glamour. "On a l’impression qu’on se moque de nous, explique-t-il. Pourquoi ? Parce que le fat suit exactement la même logique que la black face : quelqu’un se grime pour représenter une minorité et s’en moquer. C’était le cas dans Friends, où les flash-backs avec Monica étaient tous voués à rire d’elle, en insistant bien sur le fait que c’était son poids, le problème – elle n’arrive par exemple pas à se relever d’un pouf, et on entend les faux rires du public pendant de longues secondes. Idem avec Gwyneth Paltrow dans le film L’amour extra large, qui la montre pliant les pieds métalliques d’une chaise en s’asseyant dessus..."
La puissance de l'exemple
En 2019, on attendrait donc des films et des séries qu’ils trouvent des ressorts comiques différents de ceux qui faisaient rire dans les années 1990 et 2000. Car on a pris conscience qu’ils étaient blessants et perpétuaient des stéréotypes (les gross.es seraient feignant.e.s, maladroit.e.s, inadapté.e.s à notre société…). Quant aux critiques pour qui la fin du fat suit briderait la liberté de création, Dan Hastings leur répond : "Au contraire, c’est très extrêmement correct de montrer un faux corps gros plutôt qu’un vrai. Ca veut dire que les personnes très grosses ne sont pas les bienvenues à l’écran, sauf quand il s’agit d’émissions de relooking extrême."
D’autres productions ont, elles, décidé de ne pas employer cet accessoire, que le journaliste juge "déshumanisant" : "Dans la série à succès Glee, le personnage de Mercedes Jones était intéressant parce que sa silhouette ne l’empêchait d’être dans le 'Glee Club', de devenir pom-pom girl, d’être en couple avec un des joueurs de foot les plus canons du lycée… Ce genre de parti-pris est essentiel. Et quand Amber Riley a gagné la version US de Danse avec les Stars, c’était un moment énorme pour moi : enfin une femme noire grosse qui montrait qu’elle était capable de tout faire, et même mieux que les personnes minces". Des modèles d’empowerment qui cessent d'exister dès qu’on emploie un fat suit. Celui-ci pourrait bien disparaître, au vu des retours pressants d'une partie de plus en plus importante du public.