
Juliette*, 43 ans - La première nuit : la délivrance
Après plus de 15 ans de relation amoureuse, un enfant en bas-âge, un an de colocation dans un appartement qu’ils avaient acheté à deux, Juliette* se retrouve seule pour la première fois. Elle a réussi à pousser son ex-compagnon à déménager, pour le bien-être de l’enfant, après un rendez-vous chez un psychologue. Une expérience positive qui a duré bien plus longtemps qu’un week-end.
"J’attendais que mon ex-compagnon parte depuis longtemps, en me disant que ça n’allait jamais arriver. Et pourtant. Ce soir-là, après l’avoir aidé à déménager pour que ça se passe le plus vite possible, je me retrouvais seule chez moi. Ça ne m’était pas arrivée depuis très longtemps. C’était étrange et comme mon petit garçon était en week-end avec son papa, les responsabilités n’étaient plus les mêmes pour moi. Les premières heures, je me suis demandée ce que j’allais faire. Je me suis posée et j’ai réfléchi… Et j’ai fini par regarder des séries. Avec un enfant de trois ans c’est plus compliqué, car combiner son temps libre, avec son boulot et son rôle de maman tout en prenant soin de soi c’est sportif... Alors mon abonnement Netflix n’a jamais été aussi rentabilisé et gratifiant que ce jour-là ! Je me suis commandée un plat sur Deliveroo, puis j’ai regardé des séries jusqu’à 5 heures du matin. Je me suis beaucoup fatiguée, mais qu’est-ce que j’ai kiffé… J’ai enfin eu l’impression d’être comme tous les autres, moi aussi j’avais le temps de faire ça. J’ai adoré me retrouver avec moi-même et faire le point.
Les deux jours qui ont suivi, j’ai nettoyé tous les placards, comme si j’avais besoin de tourner la page, de me nettoyer. Je n’avais jamais fait autant de ménage, je voulais qu’il n’y ait plus rien qui puisse rappeler mon ex dans cet appartement, que j’ai fini par réaménager. Ça fait du bien.
Dans la semaine suivant le départ de mon ex, je me suis fait massée. Deux fois. Ce qui était marrant, c’est que je ne voulais pas bouger de mon appartement, j’ai donc fait venir la masseuse jusqu’à moi. Plus tard, j’ai commencé à programmer des apéros avec mes copines. Et je me suis mise à écrire ce que je ressens, ou encore comment réagit et vit mon fils. Si j’avais su à quel point ce serait positif, je l’aurais fait beaucoup plus tôt et j’aurais pris les devants. Cette rupture a vraiment été une délivrance."
Cathia*, 38 ans - La première nuit : partager son expérience avec une oreille attentive
Cathia*, après onze ans de vie commune, n’est plus heureuse mais reste avec son mari pour le bien-être de leurs enfants. Lorsqu’elle demande le divorce, elle pleure beaucoup, et échange avec une personne qui lui apporte bien plus qu’elle ne pouvait l’imaginer.
"Nous avions déjà tenté de sauver notre mariage, mais mes sentiments n'existaient plus, lorsque je lui ai annoncé que c'était fini. J'étais devenue l'ombre de moi-même. J'étais la femme de quelqu'un, la mère de quelqu'un, mais plus personne à l'intérieur. Personne ne se souciait de ma santé mentale, personne ne se demandait si c'était normal que je pleure tous les jours. Pour ne rien arranger, mon mari m'avait isolée de mes amis, car il considérait qu'ils n'étaient pas assez bien pour moi. J'avais donc fini par ne plus voir personne, car j'en avais marre de ses critiques. D'ailleurs, il me disait souvent que j'étais inintéressante et que c'était normal que je n'aie pas d'amis. Il n'y avait plus que sur mon blog que je racontais ma vie. Et il a été ma bouée de sauvetage car j'avais des lecteurs, des gens qui me disaient que ce que je racontais était intéressant.
Le soir de notre séparation, on a pleuré, on a crié. Comme à chaque dispute. Sauf que cette fois, je n'ai pas fléchi. Nos enfants étaient au lit depuis longtemps déjà. Ils avaient l'habitude de nous entendre nous disputer et je ne voulais plus de cette vie. Ce soir-là, je suis donc restée dormir sur le canapé. Mon ex-compagnon, dans la chambre. J'ai pleuré, fumé, pleuré à nouveau et fumé à nouveau. J'ai surtout pleuré pour mes enfants, je me disais que je les verrais moins.
Pour me changer les idées, j'ai écrit un mail à mon lecteur préféré avec qui j'échangeais régulièrement. ll était au courant de mes problèmes de couple et avait toujours été une oreille attentive. Il était devenu mon ami. Je lui ai annoncé que je demandais le divorce, que j'avais juste besoin de le dire à quelqu'un qui me comprendrait. Sa réponse ? Il m'a simplement demandé si j'allais bien. Puis, il m'a proposé que l'on se voit. Pour la première fois. J'ai accepté de le voir le lendemain pour la pause déjeuner et j'ai réussi à dormir quelques heures, malgré mes yeux bouffis.
Nous n'avons pas mangé ce midi-là. Nous avons juste marché main dans la main dans les rues, en errant pendant une heure. Ça a été le coup de foudre. Et j’ai voulu donner une chance à cette relation. On est ensemble depuis bientôt 4 ans maintenant et on vit le bonheur parfait. Mon ex-mari a la garde des enfants, et je m'occupe d'eux chaque soir après l'école, et la moitié des vacances scolaires. J'ai trouvé un logement, pas bien grand, mais près de mes enfants. Quand ils sont là, je dors dans le salon, quand ils ne sont pas là, je dors chez mon compagnon. Nous n'habitons pas ensemble, car j'aime l'idée d'avoir ma liberté. Avoir une adresse à moi me rassure."
Maya*, 28 ans - La première nuit : retrouver ses marques
Maya* a partagé sa vie avec un homme pendant 8 ans, de ses 20 à ses 28 ans. Une période qu’elle qualifie de "passage à l’âge adulte". Ils vivent ensemble dans un endroit qu’elle adore, jusqu’à ce qu’il lui demande de partir… Un déménagement qui a été extrêmement dur pour elle, et très lourd de sens.
"J'ai trouvé un appartement en une semaine et demie, un record sur Bordeaux où le marché du logement est complètement saturé. Quand je le lui ai annoncé, mon ex petit-ami s'est mis à pleurer en disant qu'il sabotait sa vie et qu'on faisait peut-être une erreur. J'ai déménagé après un mois de colocation très dur à vivre où je me suis interdit de ressentir quoique ce soit pour supporter la situation. Il est rentré tous les soirs, ce qui me rassurait car j’étais terrifiée par la solitude. Je mimais notre désormais ancien quotidien. Une fois, il est resté dormir chez un ami, en m'envoyant un message pour me dire qu'il en bavait.
Le jour du déménagement, ma famille est venue m'aider et est restée près moi pour la première nuit. J’ai alors découvert que les voisines du dessus faisaient un boucan d'enfer en marchant, à 5 heures du matin. Je me suis alors demandée ce que je faisais dans cette petite pièce exiguë de 8m2, avec ces murs qui m’enserraient. Je voulais rentrer chez moi… Sauf que chez moi c’était ici dorénavant. Cette idée m'était, et m'est toujours insupportable. Je suis alors allée aux toilettes pour marcher un peu mais le nombre de pas entre les pièces était nouveau, la sensation du sol également, les odeurs aussi. Rien de réconfortant ou de familier. J'avais l'impression d'être une enfant qui dormait hors de son foyer pour la première fois. Quand ma famille est partie au petit matin, je me suis effondrée. J’ai demandé à une amie de passer pour supporter d'être là. Je n'ai pas voulu sortir pour me forcer à apprivoiser ce nouveau lieu, le rendre un peu plus familier et sympathique en y invitant une amie.
Mais j'ai perdu tous mes repères, alors que je subis cette rupture. Lui se douche dans la même baignoire, dans une salle de bain à la lumière naturelle, contrairement à mon couloir de bain aveugle. Lui dort dans le même lit confortable en 180 aux draps de satin de coton, si doux, que nous avions achetés ensemble, alors que j'ai dormi pendant 3 semaines sur un matelas de camping une place, aux draps râpeux prêtés par une collègue. Il cuisine dans la même pièce, ouvre le même frigo, enfourne ses pizzas dans le même four que j'avais enfin apprivoisé. Il s'assoit dans le même canapé, celui où j'ai passé toutes mes soirées pendant 7 ans, alors que le mien n'est toujours pas livré et que je suis raide sur une chaise, comme tenue éveillée sur cette situation, dans l'impossibilité de me lover dans un lieu réconfortant. Le diable est vraiment bien dans les détails. Ce sont eux qui nous empêchent de ne penser à rien, ils nous gardent en éveil, nous torturent. Tout autour de moi dans ce nouvel appartement est nouveau, alors que je l'avais pourtant apprécié quand je l'ai visité la première fois. Moi, la casanière qui adorait se retrouver dans un cocon dont je prenais plaisir à m'occuper pour deux.
Mon univers entier s'est transformé, c'est dans le matériel que s'incarne surtout ce changement. Bien sur, tout dans mon corps est désormais un déchirement, je m'endors sans personne à câliner, sans son dos qui m'était si familier contre lequel je me blottissais. Je me réveille sans une présence avec qui traîner au lit et suspendre le temps, donnant du sens à la journée à venir. Je n'en ai plus le droit. Chaque fois que je rentre dans mon nouvel appartement j'ai la gorge nouée et les larmes aux yeux. J'ai envie de déménager, de quitter ce lieu qui me rappellera toujours cette situation que je subis. Et je ne sais pas quand je m'en remettrai, pour l'instant ça me semble impossible."
* Par respect pour l'anonymat des témoins, les prénoms ont été modifiés.