
Étudiante en psychologie le jour, dominatrice la nuit. Voilà le quotidien new-yorkais de Tiff (jouée par Zoe Levin) dans la série Bonding, disponible sur Netflix depuis le 24 avril 2019. Accompagnée par son ami Pete (interprété par Brendan Scannell), qui a récemment fait son coming-out et veut devenir humoriste, elle gère son activité d’une main de maîtresse. Son nom de dominatrice ? "Mistress May". Dans une cave aux murs roses et couverts de sextoys en tous genres, la jeune femme reçoit des hommes toutes les nuits pour réaliser leurs fantasmes BDSM (Bondage, discipline, sadisme, masochisme, soumission, punission). Bien loin de l’univers caricaturé de la chambre rouge de Christian Grey, on découvre au cours des sept épisodes de quinze minutes les fantasmes sadomasochistes d’une dizaine d’hommes de manière explicite, mais aussi très tendre. Ce qui nous mène à la toute première raison de prendre du temps pour regarder cette série.
#1 ‘Bonding’ est une ode à toutes les sexualités
Sur plusieurs sites, on peut lire que la série est un savant mélange de Sex Education, Girls ou The End of The F*** World, et qu’elle est hilarante. En ce qui concerne les références, il est vrai qu’on est dans une approche très crue et sans détour qui rappelle sans aucun doute ces séries.
Hilarante ? Oui et non. Si certaines scènes de fantasmes sont cocasses et tournées en dérision, il s’agit d’une réalité. Cette série n’est à aucun égard une caricature avec l’unique but de faire rire. Les désirs de soumission seuls, d’après une étude Ipsos de 2014, relayée par Maïa Mazaurette dans une chronique dans Le Monde, seraient partagés par 70% des femmes de moins de 25 ans et 56% des hommes. La série nous rappelle donc de manière bienveillante et surtout nouvelle, qu’il existe autant de fantasmes que d’individus. Enfin, en ce qui concerne le sadomasochisme, nous laissons la parole à l’un des clients de Mistress May le soin de conclure. Alors que Pete est surpris de savoir que le client parle de ses activités sexuelles à ses amis, ce dernier lui répond : "Oui, je ne fais de mal à personne ! ". Véridique… Et rafraîchissant.
#2 Une série ultra-féministe
En évoquant la sexualité d'hommes aux fantasmes SM, Bonding ouvre un boulevard à une excellente réflexion sur le sexisme. Durant les premières minutes de la série, Tiff est amenée à expliquer ses choix de vie à Pete et dresse une analyse qui permet de saisir toutes les subtilités de la série, mais aussi du personnage. "La virilité est contraignante en soi. Ce qu’on attend de toi c’est la domination et le pouvoir, le manque d’émotions, explique-t-elle. Alors les hommes viennent me voir pour fuir cette pression sociétale. Quand le patriarche sexuel sera mort, alors tous les genres seront égaux."
De plus, si la sexualité féminine n’est jamais vraiment évoquée, la série est pourtant loin de fournir une énième version phallo-centrée de la sexualité à la télévision. A la place, on a droit à sa version 2.0 où l’homme en plus d’assumer ses fantasmes, vit avec ses faiblesses mais aussi son ignorance. L’homme à la masculinité toxique, dans la série, a d’ailleurs naturellement le rôle du méchant. Transformant alors Tiff, notre personnage principal, en une super-héroïne des temps modernes et notamment dans des moments de harcèlement sexuel ou sur fond de viol. Alors quoi de mieux que d’avoir une femme badass et dominatrice comme modèle ? On aurait aimé, par exemple, il y a déjà presque vingt ans, voir Carrie Bradshaw fuir Mr Big.
#3 7x15 minutes pour abattre tous les stéréotypes
On aime le vent de fraîcheur avec lequel Netflix vient se glisser dans nos vies. La plateforme nous amène de plus en plus de séries réalistes auxquelles on peut s’identifier. Les scènes de sexe sont souvent aseptisées au ciné et à la télévision, où il n’y figure quasiment jamais de préservatifs, de maladresses, de ratés… Ou de fantasmes associés au tabou comme le sadomasochisme. Bonding vient palier ce manque et détruit au passage des stéréotypes qui ont la vie dure et ça fait du bien. De fait, en deux heures, la série réussit à parler d’un homme hétéro qui veut atteindre le plaisir prostatique mais qui est renié par sa partenaire, car elle associe, à tort, cette pratique à un plaisir reservé aux homosexuels. Elle met également en scène une femme qui aime le sexe et qui est, encore une fois à tort, considérée comme impure. Enfin, on y voit un jeune gay à qui l’on associe tous les déboires sexuels alors qu’il n’est pas du tout concerné, encore une fois, par croyance. Bref, des représentations ancrées dans l’imaginaire collectif que la série brise finalement en mille morceaux. Il était temps, on progresse doucement, mais sûrement.
Bonding, disponible sur Netflix depuis le 24 avril 2019.