
Gros succès de ce mois d’avril, avec plus de neufs millions de vues, le clip de "Balance ton quoi" a été largement salué par les médias et les réseaux sociaux. Réalisé par Charlotte Abramow, il colle parfaitement avec la chanson féministe de l’auteure, compositrice et interprète Angèle, en évoquant pêle-mêle les questions du consentement sexuel, du harcèlement de rue ou encore, de certains contacts physiques imposés aux femmes noires, qui voient leurs cheveux régulièrement touchés sans leur accord.
???? Nouveau clip réalisé pour @angele_vl ????
— Charlotte Abramow (@Chabralove) April 15, 2019
VIVE LE FÉMINISME!https://t.co/FIgsbeV90O
Mais plusieurs internautes se sont émues de ne pas voir représentées dans le clip certaines femmes, qui subissent de plein fouet misogynie et racisme : les musulmanes ayant fait le choix de porter le voile, systématiquement présentées comme soumises et endoctrinées. Elles ont désormais droit à une cover de "Balance ton quoi" et à un clip, qui dénoncent les oppressions spécifiques dont elles sont victimes. Derrière, on trouve les MolemSisters, des jeunes femmes belges qui doivent leur nom au quartier populaire belge de Molembek, d’où elles sont originaires. Sara-Lou, entrepreneuse, YouTubeuse et voix principale de cette reprise, explique : "Moi et mes sœurs sommes fans d’Angèle et de ce titre. Nous avons eu l’idée d’en faire une cover, pour raconter notre réalité. Quand Angèle a annoncé la sortie du clip, nous étions comme des folles… et en train d’enregistrer."
Dans leur version, il est question des discours islamophobes et des "débats" racistes dans les médias, mais aussi, de la polémique Décathlon ou encore, des cas de harcèlement de rue courant, qui exposent les femmes portant le voile aux moqueries, prises de photos au smartphone plus ou moins discrètes, voire à l’arrachage de leur hidjab. "Nous avons personnellement été plutôt protégées de tout ça étant jeunes, se rappelle Sara-Lou. Puis, en entrant à l’université ou en cherchant des stages, les choses se sont compliquées, entre les remarques inquisitrices de certains profs et les refus de candidature à cause du voile". La YouTubeuse raconte aussi le cas de cette proche qui n’a pas pu participer, parce que musulmane et portant le hidjab, à un cours d’éloquence auquel elle s’était inscrite…
L’objectif des Molem Sisters ? "Déconstruire les idées reçues et les fantasmes, qui veulent qu’on se voile pour obéir à un homme et que nous sommes soumises, développe Sara-Lou. Je ne dis pas que ça n’existe pas, mais quand on écoute les débats, on a l’impression que c’est une généralité, et on va s’en servir contre le voile". Sans réaliser que cela revient, une fois encore, à contrôler la tenue des femmes, sans aucune écoute des concernées ni mise en perspective – au fond, en quoi les talons de 12 cm ou les mini-jupes sont-ils plus acceptables qu’un foulard, et pourquoi les foulards ciglés posés sur la tête des it-girls US sont-ils moins symboles d’oppression que celui de Sara-Lou ?
Un questionnement fondamental, selon la jeune femme, qui a voulu montrer "que le féminisme est pluriel et peut être intersectionnel, quand il évoque les différents niveaux de discriminations que les femmes peuvent subir : la misogynie, à laquelle s’ajoutent l’islamophobie, le racisme, etc."
???? Un moment de plaisir ???? bravo @MolemSisters pour cette belle reprise ????????
— Lallab (@AssoLallab) April 22, 2019
????Poke @angele_vlhttps://t.co/xGyhIqZIf1
Un message fort, qui prend de l’ampleur sur les réseaux, puisque les internautes sont déjà plus de 70 000 à avoir vu le clip, publié le 21 avril. "Charlotte Abramow, Angèle et son équipe ont même réagi positivement", se félicite Sara-Lou, ravie mais pas si surprise de ce succès. "Je savais que ça parlerait à d’autres : nous n’avons pas seulement évoqué notre expérience, mais une frustration collective. Ces retours me donnent de la pêche pour continuer", conclue-t-elle.