Il s’appelle Daniel Blake, mais pourrait tout aussi bien s’appeler Daniel Dupond. En Angleterre comme en France et ailleurs, pas de pitié pour les Daniel et leurs semblables quand, à 59 ans, ils se retrouvent à la marge du monde enchanté du travail. Daniel Blake, lui, a bossé toute sa vie comme menuisier dans sa ville de Newcastle avant que des problèmes cardiaques lui interdisent de poursuivre sa tâche professionnelle. Invité par son médecin à cesser toute activité professionnelle, Daniel se retrouve face à une situation 100 % absurde et 100 % dramatique. Les services sociaux refusent de l’indemniser suite à des problèmes administratifs et ce héros de notre temps, pour espérer gagner un peu d’argent, se doit donc de pointer au Pôle Emploi local pour quémander un job qu’il ne pourra pas accomplir vu sa santé précaire. Circonstance aggravante : Daniel Blake n’a jamais vu un ordinateur de sa vie et il ne comprend que couic aux subtilités de la modernité numérique, évidemment plébiscitée par les petits soldats des "Job Center", qui n’hésitent pas à radier ceux qui ignorent ce que signifient les mots "connecter" et "actualiser". Quel avenir pour Daniel Blake ? That is the question…
Un âge canonique, mais une colère de jeune homme ! Dans Moi, Daniel Blake, l’inusable Ken Loach, 80 ans, suit au plus près son personnage dans les dédales d’une administration du chômage qui, plus ou moins consciemment, broie les "faibles". Digne, obstiné, pudique, Daniel Blake ne s’apitoie jamais sur sont sort, ne pleurniche pas, combat avec ce qui lui reste de force et, quand il en a l’occasion, vient en aide à plus mal-en-point que lui. Par exemple à Katie, une jeune femme qui survit avec ses gosses dans un foyer d’accueil à 500 km de sa ville natale. Tout comme son protagoniste émouvant, Ken Loach, dans son nouveau film, ne sombre jamais dans la sensiblerie et le misérabilisme, mais met en scène avec une puissance et une justesse de chaque plan une certaine réalité contemporaine qui ne fait aucun cadeau à ceux qui ne répondent pas aux standards de la compétitivité. Implacable jusqu’à son terme, Moi, Daniel Blake, on l’aura compris, n’a rien d’une comédie frivole, mais tout d’un grand film poignant et enragé. La palme d’or reçue à Cannes en mai dernier par Ken Loach, la seconde dix ans après Le vent se lève, est venue récompenser cette fiction bouleversante qui regarde son époque dans le blanc des yeux. La preuve que les jurys n’ont pas toujours tort.
Moi, Daniel Blake, de Ken Loach, avec Dave Johns, Hayley Squires, Dylan McKiernan… Sortie le 26 octobre.