1. Même hirsute, Viggo Mortensen séduit
Les cheveux en pétard, les fringues dépenaillées et la barbe de huit jours (au moins), Viggo Mortensen, dans Captain Fantastic, n’affiche pas exactement la bonne mine de l’acteur hollywoodien standard. Et pour cause. Dans l’excellent film de Matt Ross, l’acteur incarne Ben, qui vit seul avec ses six enfants au fin fond d’une forêt perdue des Etats-Unis. Refusant de se conformer aux lois de la civilisation, Ben élève son troupeau d’enfants avec ses propres valeurs : entrainement physique intensif, respect de Dame Nature, amour de la littérature, gauchisme radical… Les enfants ignorent tout du système éducatif et des us et coutumes de l’Amérique profonde. Ils vont bientôt apprendre à les connaître car leur mère, qui vivait dans la communauté familiale jusqu’à sa récente hospitalisation, passe subitement de vie à trépas. Malgré toutes ses préventions (euphémisme), Ben emmène ses rejetons dans le monde civilisé, histoire qu’ils puissent assister aux obsèques de leur mère. Ou qu’ils puissent subtiliser les cendres de cette dernière… Dans le rôle principal de ce film grinçant et touchant, Viggo Mortensen, plus que parfait, séduit, subjugue, bouleverse et prouve une nouvelle fois que les partitions atypiques sont celles qu’il préfère. On ne s’en plaint pas.
2. Viggo ne fait rien comme tout le monde
Avec sa tête et son physique de séducteur idéal, Viggo Mortensen, après le triomphe international de la saga Le seigneur des anneaux, aurait pu se contenter de cachetonner dans des blockbusters interchangeables. Il n’en a rien fait. Marginal depuis toujours, l’acteur américano-danois qui a vécu un peu partout dans sa prime jeunesse (Danemark, Venezuela, Argentine) et a toujours été fasciné par les artistes libres, a préféré incarner des rôles singuliers dans des films qui ne le sont pas moins. Ces dernières années, on a ainsi admiré son regard bleu métallique dans les fictions les plus tordues de David Cronenberg : A History of Violence, Les promesses de l’ombre et ADangerous Method, où il incarnait un certain Sigmund Freud. On a aussi adoré le voir revisiter les années beatnik dans Sur la route, de Walter Salles, d’après le classique de Kerouac, ou encore donner de sa belle personne dans des films d’auteurs perchés, tel l’improbable et quasi muet Jauja de l’Argentin Lisandro Alonso. Dans Captain Fantastic, une petite merveille d’insolence et d’émotion, Viggo campe un personnage marginal qui lui ressemble : troublant, charismatique, inclassable.
3. Viggo n’aime pas que le cinéma
Acteur, mais pas que. Beau mec, mais pas que non plus… Fan des aventures saugrenues et amoureux des expérimentations en tout genre, Viggo Mortensen, 57 ans au compteur, compte d’innombrables cordes à son arc artistique. Qu’on en juge : il pratique la photographie, la peinture, la musique (le jazz expérimental est l’une de ses obsessions) et, aux Etats-Unis, a même monté sa propre maison d’édition pour faire connaître des jeunes auteurs et poètes qui, sans lui, n’auraient probablement jamais eu la chance d’être publiés. Très loin du « star system » et de l’agitation people, l’homme mène sa barque ou bon lui semble et semble se foutre de tout le reste. Dans Captain Fantastic, un des meilleurs rôles de sa carrière d’acteur, Ben, ce père libertaire, captive ses enfants avec son refus des convenances et son dynamitage de toutes les traditions. Dans la vraie vie, on est à peu sûr que côtoyer le vrai Viggo doit être un remède radical contre l’ennui et la morosité.
"Captain Fantastic", de Matt Ross, avec Viggo Mortensen, Frank Langella … Sorti le 12 octobre.