“Comment passe-t-on de huit ans de mariage heureux à une envie subite de tirer une balle dans la tête de son époux ?''… Cette question un peu brutale, lâchée par le personnage de Frances (Sarah Jessica Parker) dans l'épisode pilote de Divorce, pourrait tout aussi bien être le sujet d'une chronique de Carrie Bradshaw. Certes, l'actrice n'a cessé de clamer, notamment dans le New York Times, que son nouveau rôle n'avait rien à voir avec celui qui l'avait rendue célèbre. Pourtant, d'une certaine manière, la série de HBO se présente comme une suite de Sex and the City, une vision ultra-réaliste de ce qui survient parfois après les happy end : un quotidien de couple planplan rythmé par l'ennui et le désamour.
Cadre dans le recrutement et maman de deux enfants, Frances est persuadée d'être épanouie dans son quotidien professionnel et personnel. Mais survient un événement qui va l'amener à reconsidérer sa vie et surtout sa relation avec son mari Robert (Thomas Haden Church). L'élément déclencheur de sa prise de conscience, soit une scène de ménage délirante entre un couple d'amis, illustre une des qualités de Divorce : sa capacité à faire rire des situations les plus dramatiques, mais aussi à surprendre à tout instant. Après ce démarrage sur les chapeaux de roue, la série trouve une vitesse de croisière, laissant quelques pointes d'humour noir germer au milieu du perpétuel chaos. La déliquescence de l'amour – une thématique peu abordée à la télévision – est dépeinte avec justesse dans ses aspects les plus cocasses, mais aussi les plus violents. A l'instar des réactions disproportionnées et comiques de Robert ou du dédain soudain de Frances pour tout ce qui constitue l'homme qu'elle aimait auparavant (sa moustache, sa façon de chanter sur du Coldplay, sa manie de répéter les blagues).
De la photographie aux tonalités grises à cette vision froide et enneigée de la banlieue, la showrunner Sharon Horgan offre ici une cousine mélancolique à sa comédie Catastrophe. Si la guerre entre Frances et Robert porte souvent à sourire, la solitude qui pèse sur les deux personnages est évidente, tout comme cette crise existentielle accompagnant la séparation. “Je veux sauver ma vie tant qu'elle m'importe encore”, lance d'ailleurs la quinquagénaire. Le hic ? Le plaisir de retrouver Sarah Jessica Parker est bien réel, mais son personnage et celui de Robert n'ont rien de très engageant. Malgré la tonalité universelle de l'histoire racontée, Divorce peine à susciter de l'empathie pour ses protagonistes, encore moins pour le duo qu'ils forment. L'absence d'alchimie entre le couple est telle qu'on peine à imaginer le bonheur et la complicité des premiers jours. Idem pour les acteurs dont l'univers et le registre de jeu sont diamétralement opposés. Heureusement, la série bénéficie de seconds rôles brillants : Diane (Molly Shannon), la copine en perpétuelle crise, ou l'avocat Tony Silvercreek (alias Dean Winters vu dans Oz et Sex and the City), dont la brève apparition à la fin de l'épisode 5 est pleine de promesses. Tous deux apportent ce qui manque à ce show de bonne facture, mais parfois pénible à regarder : du mordant et une bonne dose de folie.
"Divorce", de Sharon Horgan, avec Sarah Jessica Parker, Thomas Haden Church, Molly Shannon...