Elle s'appelle Inès Rau, elle a 26 ans, est française et rafle le titre de premier mannequin trans officiellement intronisé playmate. La jeune femme, qui figure dans la dernière campagne Balmain Hair et a défilé pour le très cool label new-yorkais Hood by Air en septembre 2016, endosse ce rôle pour un numéro de novembre très particulier. En couverture, une fois n'est pas coutume, c'est un homme qui s'affiche, et pas n'importe lequel puisqu'il s'agit de Hugh Hefner, le controversé fondateur du magazine décédé il y a quelques semaines.
Si Hugh Hefner fils, le très jeune directeur créatif de Playboy, a décidé d'inviter Inès Rau dans ses pages, c'est pour ne pas rester en marge des évolutions de la société. "C'est la bonne chose à faire. Nous sommes à un moment où les représentations de genre évoluent" a-t-il expliqué au New York Times, avant de préciser "c'est vraiment le moment pour nous de prendre du recul et de dire que ce pour quoi la marque s'est engagée dans ses premières années est toujours bien vivant".
Le jeune homme fait notamment référence à la décision de son père en 1955 de publier dans Playboy une nouvelle de l'auteur Charles Beaumont intitulée The Crooked Man. Celle-ci, retraçant le quotidien d'un hétérosexuel tyrannisé par une société majoritairement homosexuelle, s'était alors attirée de nombreuses critiques de la part des lecteurs, assez ouverts pour mater des filles à poils mais pas assez pour remettre en question la place des gays aux Etats-Unis. A regarder les commentaires sur le post Instagram de Playboy célébrant Inès Rau, une partie de l'audience actuelle n'a rien à envier aux indignés réac des 50s. "C'est complètement irrespectueux", "C'est la pire idée de tout les temps", "Playboy est un magazine pour les hommes (...) donnez aux trans un autre magazine", "Faire ça à Hef alors qu'il vient tout juste de mourir"...
Pourtant, pas de risque que Hugh Hefner, souvent perçu comme un vieux libidineux en peignoir de satin, se retourne dans sa tombe.
Dès 1981, il fait poser un premier mannequin trans dans ses pages, Caroline Cossey, aussi connue sous le nom de Tula. Sauf qu'à l'époque, cette James Bond Girl n'a révélé à personne qu'elle est née avec un sexe d'homme. Quand les tabloïds le découvrent et s'emparent de son histoire, Hugh Hefner prend le parti de lui offrir une nouvelle cover et un papier où elle peut raconter son vécu. Malgré la menace de voir certains annonceurs se retirer, il publie le magazine et permet à Caroline Cossey d'enfin s'exprimer. Finalement, le plus bel hommage de Playboy n'est pas d'avoir mis Hugh Hefner en couverture de ce numéro de novembre, mais de perpétuer ses engagements militants.