Depuis l’affaire Harvey Weinstein, les langues se délient à travers le monde. Vendredi 13 octobre 2017, la journaliste française Sandra Muller a appelé les femmes à dénoncer le harcèlement sexuel au travail en livrant leur témoignage sur les réseaux sociaux via le hashtag #BalanceTonPorc. Une initiative qui s’inspire de la campagne américaine #MyHarveyWeinstein, lancée par l'écrivaine Anne T. Donahue au lendemain du scandale qui frappe Hollywood. Depuis, des milliers d’utilisatrices ont raconté leur histoire sur Twitter, en dévoilant même parfois l’identité de leur agresseur. Souvent, il s'agit d'un collègue de travail.
1er stage de journalisme à Paris, j’avais 18ans. Le red chef m’embrasse de force. Il venait d’etre jeune papa. #balancetonporc
— Anais Denet (@AnaisDenet) 14 octobre 2017
Un red chef, grande radio, petit couloir, m'attrapant par la gorge : "un jour, je vais te baiser, que tu le veuilles ou non"#balancetonporc
— Giulia Foïs (@Giulia_Fois_) 14 octobre 2017
Une campagne risquée
Certaines associations se sont félicité de cette initiative, qui permet une libération de la parole. Pour Marilyn Baldeck, déléguée générale de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), c'est même "miraculeux" que celles-ci parlent."C’est tellement risqué de le faire. On voit bien les foudres qui s’abattent sur elles quand elles osent le faire. On leur demande de faire le choix entre leur intégrité physique et leur emploi", développe-t-elle. Pourtant, dénoncer nommément via les réseaux sociaux n'est pas sans risque. Christophe Noel, avocat du droit du travail, estime même que cette démarche est maladroite : "Les réseaux sociaux ne se prêtent pas du tout à ce type d’accusations. Ces dénonciations peuvent être considérées comme de la diffamation. Cela peut se retourner contre les victimes."Mais l'avocat ne recommande pas pour autant de se taire, malgré des statistiques peu encourageantes. En France, 95 % des femmes qui dénoncent les faits perdent leur emploi, comme le rapporte le documentaire Harcèlement sexuel au travail : l’affaire de tous, diffusé sur France 2 en octobre dernier. Un chiffre qui est même en dessous de la réalité pour l'avocat : "Pour moi, c'est 100%. Toute femme victime de harcèlement sexuel est soit un jour virée pour avoir dénoncé les faits soit, c'est elle, qui quitte son travail. Dans les deux cas, elle perd son emploi."
Vers qui se tourner ?
Mais alors, que faut-il faire quand une telle situation se produit ? On entend souvent dire qu'il faut aller voir la police ou son patron mais la vraie solution est de dénoncer la situation auprès de son harceleur lui-même, par mail par exemple :"Si la personne persiste il y aura une preuve que l'on a voulu dénoncer ce harcèlement, explique Christophe Noel, Il faut manifester ce que l'on vit. On peut aussi révéler les faits aux élus du comité d'entreprise ou alors saisir le défenseurs des droits (une autorité constitutionnelle qui veille au respect des droits et libertés). On peut aussi consulter un avocat, même si tout le monde n'a pas les moyens de le faire", précise-t-il. Mais ce ne sont pas les seules possibilités. Selon l'AVFT, pour se protéger, les femmes peuvent aussi enregistrer leur harceleur/agresseur à son insu : "L'enregistrement audio est une preuve recevable au pénal. Il peut aussi rassurer les femmes qui veulent dénoncer les faits subis à leur employeur, notamment car elles ont souvent peur de ne pas être crues." Pour lutter contre ce fléau, Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat, a annoncé ce lundi 16 octobre 2017 qu’un projet de loi "contre les violences sexistes et sexuelles"était prévu pour 2018. Il pourrait donner plus de temps aux victimes pour porter plainte quand elles ont subi une agression sexuelle alors qu'elles étaient mineures. Des associations demandent aussi de rallonger le délai de prescription pour ce type de crime qui est, aujourd'hui, de six ans.