Le saviez-vous ? Aujourd’hui, 96,4% des semences de variétés paysannes (en gros, les graines) est interdite à la commercialisation, selon la loi du 18 mai 1981. Que ce soit des grandes enseignes aux petits maraîchers, des milliers de fruits et légumes ne sont pas distribués. Cette situation a inspiré l’enseigne Carrefour qui a décidé de commercialiser, sous l'appellation "marché interdit", des fruits et légumes issus de l’agriculture biologique, jusqu'ici absents de ses rayons.
Concombre illégal ?
Pourquoi ces semences sont-elles interdites ? Toutes celles qui ne sont pas inscrites dans le catalogue officiel des semences autorisées par le Groupement national interprofessionnel des semences et plants (Gnis) ne peuvent être commercialisées. Les fruits et légumes, qui eux sont bien inscrits dans ce catalogue, doivent obligatoirement répondre à certains critères esthétiques : être plus résistants, plus jolis et d'une apparence homogène. En clair, sont autorisés les produits qui arriveront impeccables dans nos étales afin de rassurer les consommateurs.
Problème : ces fruits et légumes sont si costauds et contiennent des litres de pesticides qu'ils ne présentent pas forcément les meilleures qualités gustatives et nutritionnelles, ce qui pose plus de problèmes aux consommateurs. Selon Ananda Guillet, directeur de l’association Kokopelli, qui lutte pour la libération des semences depuis 20 ans, les consommateurs ont aujourd’hui "davantage envie de consommer des produits de circuit court, plus sains, sans pesticides et avec plus de goût." Eh oui, on préfère un fruit moins beau, mais bien sucré et juteux !
Libérez les légumes !
Il y a quelques mois, Leclerc et Biocoop avaient déjà adaptés leur offre au goût des consommateurs avec des fruits et légumes "moches". Et les gourmands ne sont pas les seuls bénéficiaires : les paysans veulent aujourd’hui pouvoir vendre librement leurs graines. D’après Ananda Guillet, "Il y a un réel ras-le-bol chez les agriculteurs de ne pas pouvoir étendre leur développement. Si on veut faire avancer l’agriculture il faut permettre aux agriculteurs d’exercer leurs métiers". Alors, la grande distribution va-t-elle révolutionner le goût ? Le directeur de Kokopelli, tempère : "Il est important que la firme parle de ce pour quoi on lutte depuis des années. Seulement, leur initiative nous laisse perplexe puisque à part avoir fait appel à un petit groupe de producteurs, ils ne changent pas leur filière d’approvisionnement."
Quoi qu'il en soit, l'initiative aura eu au moins le mérite de mettre en lumière une thématique rarement abordée.