Le fait est suffisamment rare pour qu’on vous le rapporte : dans The Rider, l’un des premiers bons films que l’on ait vu au Festival de Deauville, Brady, le héros, passe en quelques plans de la catégorie "garçon mignon"à "mec sublime" par le seul miracle d’un chapeau de cowboy vissé sur sa tête. Sans doute une histoire de proportions, d’équilibre, entre ses pommettes, son regard légèrement bridé et les larges revers de son couvre-chef. Aussi une histoire de talent, celui de la réalisatrice américaine Chloe Zhao qui, sur fond de paysages grandioses en Dakota du sud, a su magnifier la déchéance de son héros, un champion de rodéo adulé par la population locale, devenu caissier de supérette suite à une méchante chute de cheval. Privé de signes ostensibles de virilité - ses chaps, son cheval et sa réputation d’invincible, dans une Amérique accrochée à la stupide injonction "Accroche-toi à tes rêves !", Brady survivra-t-il longtemps ? On pouvait compter sur Chloe Zhao, déjà remarquée pour son premier long métrage Les chansons que mes frères m’ont apprises, pour nous gratifier d’une réponse inattendue. Son redneck a la classe ! Et on ne pourra jamais reprocher à la réalisatrice d’avoir sublimé une piteuse réalité grâce à la performance d’une star d’Hollywood : c’est Brady Jandreau lui-même qui incarne son propre rôle à l’écran. Il suffit de le voir dans cette scène magnifique où il doit "débourrer" un cheval sauvage pour comprendre qu’aucun autre acteur "normal" n’aurait pu s’y coller sans doublure ni effets spéciaux. Autour de Brady : son vrai père et sa petite sœur, la géniale Lily Jandreau, atteinte, semble-t-il, du syndrome d’Asperger. Tous les trois forment un trio inoubliable.
The Rider, de Chloé Zhao, sortie début 2018.