#1 Je fais des risettes si je veux
Quand Hillary Clinton a remporté les primaires, un présentateur a tweeté : "Souriez, vous avez cartonné." Quand Serena Williams a gagné un match de l’US Open, un journaliste l’a sermonnée : "On a le sourire quand on gagne". "Scoop : les femmes ne sont pas obligées de sourire", martèle Jessica Bennett. "Encore trop souvent, si une femme ne sourit pas c’est qu’il y a un problème (...) Est-ce qu’elle va avoir ses règles ?" L’historien Maurice Daumas raconte aussi, dans le passionnant Qu’est-ce que la misogynie (ed. Arkhê) que les femmes furent longtemps obligées de contraindre leurs expressions (sourire doux). Pourquoi un homme qui boude est catalogué "ténébreux" et une femme "harpie" ? Stooop !
#2 Je me plante avec panache
Études à l’appui, Jessica Bennett affirme que, dès l’école, les filles ont tendance à baisser plus vite les bras que les garçons, par peur de l’échec. Et suggère de faire comme tous ces startupers (trop) masculins de la Silicon Valley qui non seulement n’ont pas peur de se planter, mais s’en vantent (car échouer signifie qu’on a essayé). Et lèvent encore plus de fonds au projet suivant (comme quoi). Les hommes ont également tendance à attribuer leurs gadins aux circonstances, et non à une absence de compétence. Donc maintenant, vous foncez, vous vous plantez, et vous recommencez en proclamant que tout est la faute des autres (conjoncture, météo, alignement planétaire...) quand que ça coince.
#3 Je me fiche de passer pour une gorgone
"Au début de 2016, si vous cherchiez 'Bernie Sanders ambition'sur Google, vous auriez trouvé des tonnes d’articles élogieux (...) avec Hillary Clinton, vous trouviez l’inverse", constate Jessica Bennett. "Bienvenue dans le cercle vicieux auquel se heurtent les femmes qui briguent le pouvoir." Peau de vache, autoritaire, agressive, pas assez féminine... les leadeuses ont droit à un ramassis de clichés. "Pendant des années, on nous a inculqué que les hommes sont nés pour diriger, et les femmes pour éduquer." Conclusion de l’auteure : "Attaquez le plafond de verre et ne vous excusez pas." Est-ce que Angela Merkel cherche à "compenser" son pouvoir par la douceur, elle, d’abord ?
#4 J’arrête de m’effacer par réflexe bête
L’invention du code informatique est l’œuvred’une femme, Ada Lovelace. Derrière la découverte de la fission nucléaire et de l’ADN, il y a aussi des femmes : Lise Meitner et Rosalind Franklin. Et vous savez quoi ? Ce sont leurs collègues masculins qui ont ramassé les prix Nobel. Pourquoi ? Parce qu’elles sont tombées sur des "homo usurpators", ces créatures promptes à s’approprier le travail des autres. Jessica Bennett affirme qu’encore trop de femmes ont tendance à se saborder : "j’ai eu de la chance", "je n’aurais jamais réussi sans bidule"... C’est gentil d’être gentille, mais il y a un moment où il faut seulement répondre : "oui, j’ai du talent, et je mérite une augmentation."
#5 Je ne joue pas la maman de service
Oui, c’est vrai, les femmes ont des ovaires. Et sont l’hôte de la gestation. Mais à force de clamer "je suis une maman", elles ont un gros retour de bâton (non, là ce n’est pas dans le livre, mais ce "maman" entendu partout est un chouïa crispant. Pourquoi ne pas recommencer à dire "mère", histoire de rappeler à l’inconscient de la société qu’on n’est pas la môman de service ?). "Les études montrent que les femmes font le gros des tâches ménagères au bureau, souvent sans la moindre reconnaissance", écrit Jessica Bennett. Du genre récurer tous les mugs du coin cuisine... Alors maintenant, on rappelle qu’on a un dossier beaucoup trop urgent pour pouponner tout l’open space.
#6 Je milite contre les petits noms
Si dans l’intimité vous avez envie d’être surnommée "Ma croûte", c’est votre affaire... Mais Jessica Bennett note une façon sournoise d’enfoncer les femmes dans les milieux professionnels (pour leur chiper la promo), en leur attribuant des petits noms : ma petite, chérie, jeune fille... Sans oublier l’incapacité de prononcer correctement un prénom qui n’est pas dans le calendrier chrétien (#grosraciste). L’auteure suggère donc une confrontation franco : "Je crains que tu ne nuises à tout le monde quand tu m’appelles jeune fille". Ou : "Tu sapes ma crédibilité quand tu m’appelles chérie, alors arrête." Et s’il continue, faites pareil : "Non, mon petit chou", "Tu ramènes des cafés, minou ?"
#7 Je remets en place les materophobes
"Selon des recherches, les mères sont plus ambitieuses que leurs collègues sans enfants." Sans doute parce qu’elles savent qu’elles ont un plus gros frigo à remplir. Mais dans la tête des "materophobes", rien n’y fait : elles ont "forcément la tête ailleurs." Résultat : "à qualifications égales, les demandeuses d’emploi avec enfant voient leurs chances de recrutement diminuer de 44%."Jessica Bennett suggère de continuer le combat : on fait son job, on rappelle qu’il est fait, et on se bat pour les horaires flexibles (les vrais savent qu’une mère qui part à 17h en a souvent fait 10 fois plus que le feignant toujours là à 21h). Et surtout, on demande à la crèche d’appeler plus souvent les papas.
#8 Je lutte contre l’âgisme misogyne
"Nous vivons dans un monde où les femmes sont encore considérées comme des objets sexuels (...) les hommes ne sont pas à l’abris des préjugés sur l’âge, mais les femmes sont bien plus affectées." Devoir du jour suggéré par Lisa Bennett : regarder le sketch d’Amy Schumer,last fuckable day, où une brochette d’actrices célèbrent "les funérailles du vagin de Julia : une parodie de la façon dont on traite les femmes". "Mais la bonne nouvelle, c’est qu’avec l’âge vient la confiance en soi, le sentiment de pouvoir enfin se foutre éperdument de l’opinion des autres. Quant à nous, n’oublions pas ce que nous devons à nos aînées."Françoise Giroud disait aussi : "La féminité n’est pas une incompétence. Elle n’est pas non plus une compétence."À méditer.
* Le Fight Club Féministe. Manuel de survie en milieu sexiste, de Jessica Bennett, éditions Autrement.