Le hashtag #MenAreTrash (“les hommes sont des ordures") a pris une ampleur nationale suite au meurtre de Karabo Mokoena, une Sud-Africaine de 22 ans, par son petit ami. Portée disparue depuis avril 2017, la jeune femme a été retrouvée battue à mort, carbonisée et brûlée à l’essence et l’acide dans un terrain vague de Johannesburg une semaine après. Son assassin, son petit ami, l’aurait tué car elle lui aurait annoncé son désir de le quitter. Aujourd’hui arrêté, il plaidera coupable tout en mettant en avant le comportement “instable“ de la jeune femme. On sait de plus que Karabo Mokoena aurait porté plainte contre lui la veille de son assassinat, mais la police n’aurait pas pris au sérieux sa plainte.
Tout cela ne serait resté qu’un énième fait divers si la médiatisation sur les réseaux sociaux de cet événement n’avait pas amorcé une vague de colère et d’indignation quant aux violences que subissent les femmes en Afrique de Sud. Dans un pays où une femme meurt sous les coups de son conjoint toutes les huit heures, où 40% des hommes brutalisent leur partenaire au quotidien (étude du Conseil de la recherche médicale d’Afrique du Sud), l’événement est loin d’être anecdotique. La même semaine, par exemple, une étudiante de l’Université du Western Cape a été violée sur son campus, allongeant l’interminable liste de victimes d’abus sexuels (près de 52 617 cas de viol recensés par la police en 2014-2015, bien loin, bien sûr, de la réalité).
Sous le hashtag #MenAreTrash, les femmes se sont mobilisées sur les réseaux sociaux pour partager leurs histoires, des récits qui font froid dans le dos... Le hashtag devenu viral a été partagé des milliers de fois sur Twitter, faisant figure tant de lieu ouvert d’expression que de symbole d’une colère générale. Les hommes eux aussi sont entrés dans le mouvement, relayant sur Twitter des vidéos d'agressions prises en flagrant délit. Des manifestations ont eu même lieu dans tout le pays le 20 mai, et à Pretoria, une marche solidaire a été organisée par des hommes sous le nom de “Men March Against Women Abuse“ regroupant plus de 2000 personnes. D’autres ont publié une tribune dans la presse pour appeler la population à stopper cette spirale du féminicide qui gagne le pays.
This is a thread about how I survived death #MenAreTrash
— Alexandra Buki Deen (@BlackSnow99) 11 mai 2017
Frame1 morning after
Frame2 morning before pic.twitter.com/NeHyeg4MRD
#SandileMantsoe Outside Johannesburg Magistrates Court #KaraboMokoena's friends and supporters want her alleged killer denied bail. SM pic.twitter.com/ZF3xUXjajZ
— Jacaranda News (@JacaNews) 24 mai 2017
Ce hashtag n’a cependant pas fait l'unanimité dans le pays. Une réplique est directement apparue sous le hashtag #NotAllMenAreTrash (“tous les hommes ne sont pas des ordures“), soulevant un débat dans l'ensemble du pays. Le président Jacob Zuma a même dû se prononcer sur la question : “C’est une crise dans le pays, la façon les femmes et les enfants sont tués“. Evoquant un possible ajustement de la législation, il a montré sa volonté de punir plus lourdement les délinquants sexuels et d'encourager les victimes à témoigner. Le ministère de la justice a lancé aussi une initiative dans ce sens, pour faciliter la récolte des témoignages et pour assurer une meilleure protection des victimes.
Jamais auparavant le meurtre d’une Sud-Africaine n’avait provoqué une telle mobilisation et médiatisation. Le début, on espère, d’une prise de conscience collective et d’une amélioration de la condition de la femme en Afrique du Sud, où les langues se délient enfin peu à peu...