On dit hypersexualité et non nymphomanie
Depuis les années 2000, la communauté médicale ne reconnaît plus le terme “nymphomanie“, qui a remplacé par “hypersexualité“. Définie comme une “fréquence excessive, non contrôlée et croissante, du comportement sexuel qui persiste en dépit des conséquences négatives possibles“, cette pathologie toucherait 3 à 6% de la population, dont 80% d’hommes*.
Ça ne concerne pas que les femmes
Pourtant, vous avez rarement entendu un homme se faire traiter de nymphomane ! Ce sexisme terminologique s’explique par le fait que la société s’est toujours focalisée sur les dysfonctionnements sexuels des femmes et ce, depuis l’Antiquité. Issu du grec “mania“ (folie) et “nymphes“, divinités personnifiées sous les traits de jeunes filles nues, la nymphomanie avait pourtant déjà son pendant masculin à l’époque gréco-romaine. Chez les hommes, on parlait ainsi “satyriasis“ (de “satyres“, ces créatures mythologiques qui incarnent force et virilité), mais le terme a rapidement disparu…
On ne sait pas trop d’où ça vient
Les causes de l’hypersexualité demeurent floues. Certains pensent qu’elle résulte d’un déséquilibre de sérotonine, dopamine et norépinephrine dans le cerveau. D’autres penchent pour des troubles hormonaux, causés par une contraception inadaptée ou un problème endocrinien car les crises semblent plus importantes au moment de l’ovulation. Une chose est sûre, il existe un lien entre troubles bipolaires (notamment au moment des phases d’exaltation) et hypersexualité. Enfin, la L-Dopa, prescrite en cas de maladie de Parkinson, ou une prise prolongée de corticoïdes peuvent également faire apparaître des dysfonctionnements hypersexuels.
Crédit : Getty
Avoir une vie sexuelle débridée ne signifie pas être hypersexuelle
Si vous avez pris la vilaine attitude de traiter votre collègue Julie de nympho, arrêtez tout de suite. D’abord, c’est stigmatisant, et ensuite parce qu’il y a de grandes chances que ce soit faux. La véritable hypersexualité n’a rien à voir avec une libido débordante ou une vie sexuelle intense. Elle se caractérise par des pensées invasives, des fantasmes et des besoins tellement encombrants qu’ils peuvent empêcher de travailler, d’avoir une vie sociale voire même créer une addiction à la pornographie et pousser à mentir et trahir ses partenaires. Rien à voir avec Julie, donc.
C’est une maladie…
Ne jamais pouvoir dire non, être en quête perpétuelle de sexualité, et se faire submerger par des envies brutales, telle est le douloureux lot des hypersexuels. Si certaines femmes souffrant de cette pathologie atteignent l’orgasme en un claquement de doigts et cherchent ainsi à prolonger cet état extatique, le fait de multiplier les rencontres les expose à un plus grand risque d’infections sexuellement transmissibles que la moyenne.
…et une souffrance
D’autres ne jouissent jamais et accumulent les partenaires en recherche désespérée de plaisir. Elles rencontrent fréquemment des problèmes d’argent ou d’endettement, sont victimes de slut-shaming et sombrent dans l’angoisse et la dépression. Pour elles, la sexualité représente un moyen d’atténuer des sentiments douloureux, de combattre l’ennui ou la solitude. Plusieurs études ont d’ailleurs démontré que l’hypersexualité pouvait résulter d’une agression sexuelle passée. Dans ce cas, la victime tente désespérément de reprendre un pouvoir qu’on lui a dérobé et perd le contrôle dans sa quête impossible.
Ça se soigne
Endocrinologue, psychothérapeute, psychiatre et Sex Addicts Anonymous (groupes de parole et de soutien sur le modèle des alcoolique anonymes), il existe aujourd’hui des solutions pour prendre en charge l’hypersexualité. On est bien loin du 19e siècle où les docteurs pensaient qu’un excès de nourriture trop riche ou de chocolat, des pensées impures, la lecture de romans ou la pratique de “pollutions secrètes“ (comprenez masturbation), stimulaient anormalement le système nerveux des femmes, causant ainsi leur nymphomanie. Pour les soigner, on n’avait rien trouvé de mieux qu’une ablation du clitoris et des ovaires, de faire saigner le vagin avec des sangsues ou encore de prodiguer des bains glacés et du repos forcé. Merci le progrès !
*Etude menée par la Pr Florence Thibaut (service de psychiatrie CHU de Rouen), chercheuse à l'Inserm, 2011