Caution morale du show, Ned Stark était programmé pour être le héros de Game of Thrones. Et pourtant, à la surprise générale, la série de HBO (suivant à la lettre l’œuvre de George R.R Martin) a contrevenu au contrat tacite passé avec les spectateurs : ne jamais toucher au protagoniste que tout le monde adore. Dans l’épisode 9, la "main du roi" est donc décapitée sur la place publique après avoir découvert les rapports incestueux entre Cersei Lannister et son frère Jaime. Un premier rebondissement choc qui a permis à la saga de consolider son statut de phénomène culturel… Mais aussi de changer l’histoire de la télévision "sans doute pour le pire", selon le critique Todd VanDerWerff de Vox.com.
D’après une enquête réalisée par le site, l’heure est en effet à l’hécatombe dans la petite lucarne : pas moins de 230 personnages de séries ont été tués lors de la saison 2015-2016. A priori, rien de surprenant dans le fait que les héros fictionnels ne soient pas épargnés par la grande faucheuse. Mais, à une époque où le paysage cathodique est de plus en plus concurrentiel, une majorité de showrunners se sert de cet artifice scénaristique pour choquer le public et s’offrir une publicité gratuite. "Les causes de ces bains de sang ne sont pas très difficiles à comprendre. Les auteurs, dans l’obligation de faire vibrer les spectateurs, recours souvent aux mêmes twists, et le meilleur moyen de booster les audiences ou d’avoir du buzz est de tuer un personnage", explique Maureen Ryan, critique télé chez Variety.
Téméraires, mais pas trop, les scénaristes. Dans les faits, les personnages secondaires, en particulier les femmes, minorités et gays, sont souvent les premiers à être sacrifiés. Entre Empire, The 100 et Person of Interest, les lesbiennes n’ont, par exemple, pas fait long feu cette saison. De même, si la devise officielle de Game of Thrones est "all men must die" (tous les hommes doivent mourir), le red wedding semble un lointain souvenir. Preuve en est la fausse mort de Jon Snow dont le seul objectif était d’alimenter les spéculations pendant des mois. De l’empoisonnement de Kevin dans The Leftovers (pardonné car l’épisode suivant était un chef d’œuvre) au mystère autour du sort de Ray Velcoro (Colin Farrell) dans True Detective, en passant par le pseudo-décès de Glenn dans The Walking Dead… Les fake deaths sont tellement courant aujourd’hui qu’ils en perdent leur impact émotionnel. Spectateurs avisés ou détectives du web rassemblés sur Reddit… Plus personne n’est dupe.
Mais tous les scénaristes ne sont pas en quête de buzz ou de twists faciles. La façon dont a été amenée la mort de Poussey dans la saison 4 d’Orange is the New Black est une vraie leçon de storytelling. Offrir à la détenue une dose de bonheur (sa relation avec Soso et la douce nuit montrée en flashback), d’espoir (ses perspectives de travail), a permis d’amplifier le caractère tragique de sa disparition, survenue dans une atmosphère apocalyptique. Surtout, celle-ci, à la différence de Jon Snow dans Game of Thrones, a eu des conséquences réelles sur les autres personnages, provoquant chagrin et colère. Voilà comment on finit une saison en beauté. A bon entendeur…
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