Parce qu’elle sait tout jouer
Son mec, le dénommé Paterson (Adam Driver), est à la fois chauffeur de bus et poète. Tout comme lui, elle semble évoluer dans un autre monde, très loin des contingences matérielles et de l’hystérie de la vie moderne… Dans Paterson, le nouveau film planant de Jim Jarmusch, Golshifteh Farahani est Laura, une jeune Américaine qui ne jure que par la rêverie, la sensualité et un détachement exquis vis-à-vis de tous les emmerdements et de tous les emmerdeurs. Une partition surprenante pour l’actrice de 33 ans ? Pas vraiment puisque Golshifteh prend justement toujours soin de surprendre. La preuve : au début du mois, dans Go Home, de Jihane Chouaib, elle incarnait une Libanaise de retour dans son pays natal et touchait en plein cœur. La preuve également : au printemps dernier, dans Les malheurs de Sophie, de Christophe Honoré, d’après le classique inusable de la Comtesse de Ségur, elle campait une mère poule en costumes et était 100% crédible. La preuve encore : l’an prochain, elle changera une nouvelle fois radicalement de registre en donnant la réplique à Johnny Depp dans le nouvel épisode de la franchise Pirates des Caraïbes. Golshifteh ne refait jamais le même rôle et c’est une excellente idée.
Parce qu’elle est ravissante, mais pas que
Certes, sa beauté singulière et son charme exponentiel ne sont pas pour rien dans sa réussite. Mais l’essentiel est ailleurs : Golshifteh Farahani est surtout une actrice, une vraie, forte d’une personnalité en acier trempé et d’un amour pour le cinéma qui l’entrainent dans des aventures toujours dignes de ce nom. Née dans une famille iranienne intello qui rêvait de la voir devenir musicienne, elle a préféré embrasser dès l’adolescence la carrière de comédienne et ne s’est jamais trompée dans ses choix. Ni dans son pays natal (A propos d’Elly, de Asghar Farhadi), ni en France où elle vit depuis une décennie (Les deux amis, de Louis Garrel, qui fut son compagnon), ni dans ses escapades internationales où elle alterne méga productions hollywoodiennes (Exodus, de Ridley Scott) et projets atypiques (My sweet Pepperland, de Hiner Saleem, sur les combattants kurdes). Point commun entre tous ces films ? Elle y interprète toujours des héroïnes qui lui ressemblent : des filles qui ne renoncent jamais à leurs désirs et ne laissent jamais les hommes leur imposer quoi que ce soit. Golshifteh ne se laisse pas marcher sur les pieds et c’est une excellente idée.
Parce qu’elle ne se prend pas pour une autre
Rayon liberté et émancipation, l’actrice sait de quoi elle parle. Contrainte à l’exil il y a presque dix ans - le régime iranien, suite à un tournage aux Etats-Unis, la suspectait d’être manipulée par la CIA - Golshifteh Farahani a dû, en solitaire, trouver de nouveaux repères en France, sa terre d’adoption. Elle connaît par cœur la douleur des déracinés, mais, foncièrement pudique, refuse le petit jeu des confidences éplorées et du pleurnichage médiatique. Discrète, farouchement indépendante, elle préfère mener sa barque en ne se préoccupant que de l’essentiel : sa vie privée et ses choix artistiques, qui la conduisent dans des directions stimulantes et promettent de très grands rôles dans les années à venir.
"Paterson", de Jim Jarmusch, avec Golshifteh Farahani, Adam Driver… Sorti le 21 décembre.